PUBLIÉ LE 16 septembre 2019
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NIKOS KAZANTZAKI (SIANK)
VOYAGES Les voyages et les confessions furent mes plus grandes joies dans la vie. Visiter la terre, regarder – regarder, sans se rassasier – des terres nouvelles et des mers et des gens et des idées, regarder tout comme si c’était la première fois, regarder tout comme si c’était la dernière fois, d’un regard long et hésitant, et ensuite fermer les paupières et sentir ces richesses se déposer dans votre for intérieur, calmement ou d’une manière agitée, selon leur choix, jusqu’à ce que le temps les passe à son crible fin pour qu’il ne reste qu’une couche mince de toutes les joies et de toutes les amertumes – cette alchimie du cœur est, me semble- …. Mon idéal est huit mois de voyages et quatre mois de solitude. ….. Une chose vaut la peine : le voyage ! Ces citations de Nikos Kazantzaki résument parfaitement sa passion des voyages. Dès son jeune âge et jusqu’à sa mort, il n’a cessé de voyager en Grèce, en Europe, en Asie et en Afrique. Il a ainsi visité (pour de courts ou de longs séjours) les pays suivants : Europe: Autriche, Belgique, France, Allemagne, Yougoslavie, Suisse, Grèce, Espagne, Italie, Pays- Des raisons de santé le privent de se rendre en Inde, où le pandit Nehru l’avait invité. Par manque de ressources financières ou de temps, il ne peut découvrir l’Afrique centrale, le Congo, le Maroc, l’Irak, l’Iran, l’Indonésie, l’Amérique du Sud, le Mexique, les îles Marquises, Samoa, Tahiti et l’Islande dont il revait. Il désirait, enfin, se rendre en Pologne et aux Etats- C’était un voyageur infatigable ! Les voyages n’avaient pas de buts touristiques. Il était opposé à l’idée même de tourisme considérant que le tourisme défigurait le paysage et faisait perdre l’âme des peuples. Ses multiples voyages avaient d’autres buts. 1. Il a commencé à voyager par obligation. En effet, à la suite d’une insurrection crétoise, sa famille s’installe au Pirée. Pour les mêmes raisons, il est inscrit ultérieurement à l’Ecole catholique romaine française, à Naxos. 2. Puis, il voyage comme envoyé spécial ou invité officiel des gouvernements. En 1919, il est envoyé par le Premier Ministre Elefherios Vénizelos, à la tête d’une mission composée essentiellement de Crétois et du fameux Zorba, dans le Caucase pour rapatrier les Grecs massacrés par les bolcheviques et les Kurdes. En 1929, il se rend en Union soviétique, pour participer aux festivités marquant le dizième anniversaire de la Révolution d’Octobre. Après la Seconde Guerre mondiale, il arrive en Grande Bretagne, invité par le British Council. En 1957, quelques mois avant sa mort, il visite la Chine et le Japon. Des journaux athéniens le dépêchent pour effectuer des reportages, à la suite d’événements politiques et sociaux importants. Il visite ainsi l’URSS, la Chine, le Japon, l’Espagne, l’Italie. 3. Enfin, il voyage pour des raisons culturelles : découverte de musées, de galeries d’art, de bibliothèques, de monastères, d’Eglises, de mosquées, de monuments et de lieux historiques. Des raisons plus profondes motivent la poursuite de ses voyages : 1. Avant tout, il voulait connaître les hommes, leurs cultures, la nature. C’était pour lui un enrichissement indispensable. 2. Il désirait aussi s’en inspirer pour son œuvre. En effet, ses périples ont exercé une profonde influence sur son œuvre, notamment sur L’Odyssée, son poème de 33'333 vers. 3. Par ailleurs, c’est un besoin de liberté qu’il recherche. De Bakou, il écrit : Le grand espoir du voyageur est celui- 4. Une dernière raison essentielle est de nature spirituelle. Dans Rapport au Greco, une sorte d’autobiographie, il évoque sa recherche spirituelle : Tous mes voyages étaient devenus une seule ligne rouge qui partait de l’homme et montait pour atteindre Dieu. Au cours de ses périples, il a rencontré des intellectuels, artistes, écrivains, poètes, peintres, musiciens, hommes politiques : Gorki, Istrati, Salamea (poète colombien), Schweitzer, Mussolini, Jimenez, Franco, Sartre, Blum, Chou En Lai et d’autres. Sans que cela soit incompatible, il aimait aussi évoquer ses rencontres avec des gens simples. Qu’on se rappelle ses discussions avec Zorba, les bergers crétois, les bédouins qu’il a rencontrés dans le désert. Nikos Kazantzaki a écrit des dizaines d’articles, reportages et notes sur ses voyages, publiés dans des journaux, des revues littéraires et dans la Grande Encyclopédie grecque Eleftheroudakis. Il évoque aussi ses voyages dans sa riche correspondance avec des parents, des amis, des hommes politiques et des gens de lettres. Ses premiers articles ne sont pas encore professionnels. Progressivement, il améliore son style et arrive à se situer parmi les meilleurs représentants de la littérature mondiale du voyage. Il a publié en grec, en cinq volumes, ses récits de voyage, sous le titre général : En voyageant, Russie, Angleterre, Espagne, Japon- Il y décrit dans le détail son amour de l’art et de la nature : musées, galeries d’art, mosquées, monastères, églises, montagnes, déserts, mers. Il décrit aussi les personnes et les objets, comme il les a sentis, à sa façon, sans pour autant oublier les préoccupations politiques et autres. Voici comment Pandélis Prévelakis, le fils spirituel du grand Crétois, dépeint le contenu profond des récits de voyages de Kazantzaki : Dans ces récits particuliers, se croisent les thèmes spirituels : la mortalité des civilisations, la psychologie des peuples, les héros d’action et de réflexion, les paysages, les monuments et les musées… Et de très près l’amour de la beauté, la recherche d’une justice universelle, l’angoisse sur le problème de l’existence – l’infini rêve d’une âme ardente. Pour terminer, laissons Nikos Kazantzaki s’exprimer sur la signification de ses voyages. Dans une conversation avec Robert Sadoul à la Radio française, en 1954, il a déclaré : J’ai commmencé mon voyage toujours en l’organisant, puis en oubliant que je l’avais organisé. J’ai visité, par exemple, l’Espagne, la Chine, le Japon, l’Egypte, l’Afrique, etc… Mais tous ces pays je les voyais à travers mon tempérament. Je ne les ai jamais évoqués d’une façon photographique, d’une façon qu’on appelle « objective». Je les transformais : c’était mon Espagne, ma Chine, mon Afrique, etc…. c’est- |
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